RU 35/2014 - L'EGLISE OBSCURANTISTE ?


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L’EGLISE OBSCURANTISTE ? (ru, 2 sept. 2014) – Depuis la Révolution, en passant par Karl Marx jusqu’aux socialistes d’aujourd’hui, l’Eglise est une boutique d’obscurantisme, « opium pour le peuple ». Le contraire est vrai. Jetons un regard sur la Bibliothèque du Vatican, une des plus riches du monde, qui vient de se renouveler par un programme audacieux de numérisation de ses trésors, révélant à tous par des moyens médiatiques très avancés que l’Eglise est la lumière du monde, don de Dieu. Loin d’écraser l’esprit humain, l’Eglise l’illumine, éduque et entraîne vers le haut. Comme les magiciens à Bethlehem, les meilleurs informaticiens connus – d’Oxford, Heidelberg, Etats Unis et Japon – accourent aujourd’hui pour la servir dans cette entreprise.

Un peu d’histoire. Les débuts de cette bibliothèque – on l’appelle brièvement la Vaticana – remontent au 4e siècle quand le pape Sylvestre I (314-335) l’établit près de la basilique du Latran fraîchement construite par l’empereur Constantin. Les véritables fondateurs de la Vaticana moderne sont les papes Nicolas V (en 1451) et Sixte IV (en 1475) qui l’ont transférée à sa place actuelle au Vatican. En 1481 la bibliothèque comptait déjà 3500 ouvrages consultables en latin, grec et hébreu.

Aujourd’hui la Vaticana contient 1.600.000 livres antiques et modernes, 8.600 incunables imprimés avant 1500 (dont des dizaines d’exemplaires imprimés sur parchemin), 82.000 manuscrits historiques et documents d’archives représentant 43 millions de pages, 150.000 estampes et gravures, 150.000 photographies, 300.000 monnaies et médailles…, bref une somme de connaissance inestimable !

Entre les précieux manuscrits on trouve notamment le Codex Vaticanus du 4e siècle, avec l’Ancien et le Nouveau Testament en grec, puis le sacramentaire gélasien (vers 700), l’Evangéliaire Barberini (Irlande, 8e siècle), l’Evangéliaire de Lorsch (vers 800), mais aussi les papyrus Bodmer écrits en Egypte vers 180-200, contenant presque intégralement les Evangiles de St Jean et St Luc.

La bibliothèque s’est enrichie successivement, en fonction des évènements de l’histoire: lors des Croisades elle a hérité de la bibliothèque impériale de Constantinople, plus tard c’est toute la bibliothèque de la reine Christine de Suède qui fut transportée à Rome, puis celle de l’université de Heidelberg au temps de la contre-Réforme, au fil des temps des immenses collections privées etc.

Jetons un regard sur les Bibles polyglottes contenues dans les incunables de la bibliothèque. On y trouve celle d’Alcala de 1514 présentant en 4 colonnes les textes sacrés en hébreu, latin, grec et partiellement en araméen ; puis celle d’Anvers de 1569 en hébreu, latin, grec, syriaque et araméen (étudiée par Montaigne en 1581 à la Vaticana), puis celle de Londres en 7 langues, en fait la dernière Bible polyglotte du genre, en hébreu, latin, grec, arabe, syriaque, hébreu samaritain et persan en colonnes juxtaposées… Obscurantisme, disent-ils ? Oui, il y a aussi des œuvres obscurantistes dans la Vaticana, produites par des hommes HORS de l’Eglise, reléguées dans les rayons « Enfer » de la bibliothèque.

De 2007 à 2010 la Vaticana fut fermée pour travaux de modernisation d’un coût de 25 millions Euro: stabilisation des poutres, restauration des salles, mise aux normes électriques, systèmes de sécurité (70 caméras), introduction d’une puce électronique dans chaque livre pour pouvoir en retracer le parcours à tout instant, réfections d’une grande partie des rayonnages etc. Tout est en parfait état aujourd’hui pour les quelque 4000 chercheurs qui consultent annuellement la bibliothèque, munis d’une autorisation spéciale du Vatican. Le grand public n’y a pas d’accès.

Justement pour remédier à ce défaut, mais aussi pour assurer une conservation aussi parfaite que possible pour les générations à venir, le Vatican a initié dès 2010 un vaste programme de numérisation de la quasi-totalité des trésors de la bibliothèque. Déjà à l’époque existaient 37.000 microfilms des documents anciens et manuscrits qui furent également consultables dans l’université Saint-Louis aux Etats Unis. Mais maintenant on ira beaucoup plus loin : la bibliothèque doit devenir accessible à tous ceux qui s’y intéressent moyennant la numérisation de ses documents et leur accès libre sur Internet. Depuis janvier 2013 les premiers résultats – 256 manuscrits – peuvent déjà être consultés par tous sur le site www.vaticanlibrary.va, dont la splendide Bible de Gutenberg parue en latin en 1451 qui marque le début de l’imprimerie moderne.

Cette première vague de numérisation s’étend sur 5 ans, de 2013 à 2018, comprenant des manuscrits grecs et hébraïques ainsi que des incunables (1,5 millions de pages).

Mais pour l’ensemble du programme envisagé il faudra 2,8 PO (Petaoctets, donc 2800 To informatiques) pour le stockage numérique de 90.000 manuscrits et incunables, c’est-à-dire pour 40 millions de pages à scanner, archiver et rendre accessible. C’est un véritable défi technique.

Déjà dans le passé la Vaticana avait collaboré avec IBM et plus tard avec HP (Californie) pour informatiser une partie de ses manuscrits. Le nouveau programme pour la numérisation de 15.000 manuscrits, un projet qui s’étale sur 9 ans, est confié au géant mondial du stockage de données EMC/USA, en collaboration avec les universités d’Oxford – propriétaire de la célèbre bibliothèque Bodleian – et de Heidelberg/RFA. Les travaux de scannage de 3000 manuscrits précieux et rares, partiellement très fragiles, ont été sous-traités pour 18 millions d’Euro le 20 mars 2014 à la société japonaise NTT DATA Corporation qui stockera ensuite les données informatiques dans son entreprise au Japon, accessible dès 2018 au public par le site Internet de la Vaticana…

Il s’agit d’une véritable « dématérialisation du patrimoine », comme l’a défini Mgr Jean-Louis Bruguès (un Français), archiviste de la Vaticana depuis 2012, sous la houlette du Préfet de la Bibliotheca Apostolica Vaticana Mgr Cesare Pasini depuis 2007. Bravo !

- - O.A.M.D.G.  - -